Bâton rouge (1)


 Un détour du Mississippi, nous révèle la petite ville de Torras, c'est là que nait Leslie Johnson en 1933. Il prend ses premières leçons d’harmonica grâce à sa mère, et cite comme première influence, Little Walter et Jimmy Reed.

 Durant sa prime jeunesse il rejoint sa première formation "The Rhythm Rockers" avec Big John Jackson à la guitare, Sonny Martin au piano et Eddie Hudson comme chanteur. Il rencontre Guitar Gable et surtout Lightnin’ Slim qui le présente à JD Miller ; celui-ci apprécie l’harmonica et le rebaptise Lazy Lester en raison de sa démarche et de son accent.

 JD Miller était un producteur de disque dont une des spécialités représente une forme de Blues, le "Swamp Blues" dont la traduction serait "Blues des marais, Blues du marécage", voir même "Blues des bayous" et il est originaire de Louisiane.

 C'est l'occasion de mettre en lumière ce style, très caractéristique, avec un tempo souvent trainant, des phrasés d’harmonicas geignards, une voix rocailleuse et dure, des sons de guitares grondants et intimidants, une percussion qui révèle un rythme dansant avec une technique basée sur les effets et les résonances, le Swamp dégage une atmosphère presque suffocante, d’où on peut y sentir les effluves remontant d’un marais d’où pourrait sortir brusquement un alligator.

 Géographiquement, ce blues passe à travers toute la Louisiane, de Baton Rouge à Shreveport en passant par Port Arthur et Lafayette.

 C'est le label Excello qui a produit les artistes les plus représentatifs de ce courant musical. C'est en 1954 qu'un producteur jusqu'alors cantonné dans la musique cajun et réticent au Blues, accepte d'ouvrir son modeste studio de Crowley, pour enregistrer des musiciens noirs qu'il fait ensuite distribuer par un label de Nashville : Excello !

 Ce sudiste pur jus, c'est J.D. Miller. En bon paternaliste, il donne à ses artistes les noms qui lui passent par la tête : Otis Hicks sera Lightin' Slim, Whispering Smith s'appelle en réalité Moses Smith, James Moore est rebaptisé Slim Harpo, Cornelius Green devient Lonesome Sundown, et Leslie Johnson est Lazy Lester.

 Lightnin’ Slim, Silas Hogan, tous deux très influencés par Lightnin’ Hopkins, Slim Harpo, Lonesome Sundown et Lazy Lester sont, parmis les musiciens les plus importants en terme de renommée du Swamp Blues.

 Mais tout le charme de ce Blues est aussi dû à une multitude de seconds couteaux, n’ayant parfois enregistré qu’une poignée de disques, ainsi qu’à des accompagnateurs hors pairs.

 D’autres tels Clarence Edwards, Chicago Bob et le précurseur Clarence Garlow n’ont pas ou peu enregistré pour JD Miller et se sont parfois fait connaître tardivement, souvent par l’intermédiaire de musicologues européens. On peut retrouver certaines anthologies et compilations sur les labels Ace, Blues Horizon, Flyright.

 Le retrait du producteur JD Miller sera un rude coup pour le Swamp Blues.

 Lazy Lester sort régulièrement de très bons disques. Kenny Neal est un guitariste talentueux surtout lorsqu’il reste dans le sujet, et il faut aussi citer les guitaristes Troy Tucker, Lil Buck Sinigal, Selwyn Cooper et Tab Benoit, à condition que celui-ci ne se dirige pas vers un Swamp trop démonstratif sans oublier Tony Joe White plus près du Rock cependant.

 Très peu de Blues Bands Français jouent du Swamp, mais les rares représentants sont souvent très bons. Le groupe Swampini, auteur de deux superbes auto productions et aussi d’excellents concerts, essentiellement en Ile de France, laissait présager le meilleur avant sa regrettable dissolution.

 Le sympathique trio de Quimper The Honeymen est l’auteur d’une fantastique Démo 6 titres ainsi que d’un remarquable CD « Juke Joint Special » sorti en 2004. Enfin, le trio Mercy aborde un répertoire plein d’énergie, grace à un son durci ne dénaturant pas la saveur des originaux. Ils proposent deux excellents CD « Tribute To Slim Harpo » et « Magic ».


 Peu loin de là se trouve le petit village de Lettsworth, c'est ici que nait Buddy Guy le 20 juin 1936.

 Buddy Guy commence à jouer dans l'orchestre de Raful Neal et s'adonne au swamp blues de sa Louisiane natale. Mais son maître en guitare et en chant est d'évidence Guitar Slim. Buddy gagne Chicago en 1957, rencontre Magic Sam et Otis Rush, alors en train de se démarquer du Chicago blues de l'après guerre. Ensemble, ils définissent, sans forcément en être conscients, le West Side Sound.

 Après s'être paresseusement laissé entrainer par le Mississippi, c'est Baton Rouge qui nous accueille.

 C'est en 1699, que des explorateurs français découvrent l'endroit. Les écrits de D'Iberville identifie le secteur par le nom « Istrouma » ou « bâton rouge ». D'Iberville décrit de grands poteaux rouges érigés par Indiens avec des têtes de poissons et d'ours offertes en sacrifice.

 C'est un jeune bluesman blanc inspiré du style de Freddie King, dont le jeu de guitare sec et coupant est immédiatement reconnaissable, qui va guider nos pas vers tous les lieux où resonne ce bon vieux blues.

 Né à Bâton-Rouge en 1967, Tab Benoit a commencé à jouer pour quelques dollars par soirée dans le club de Tabby Thomas "Blues Box" ici à Bâton-Rouge. Tab Benoit est un homme de scène. Depuis ses débuts, il joue pratiquement tous les soirs, de bars en salles, de festivals en cabarets.

 Autodidacte, il se perfectionne en jouant partout où on avait besoin de musiciens: mariages, petits festivals Cajun, spectacles Rock'n'Roll... Tous les styles le motive tant qu'il peut se produire sur une scène, mais c'est un bluesman pur et authentique, connaissant les véritables références du genre. Suite à un tremplin organisé dans un bowling par "Justice records" Tab obtient la 3eme place qui lui permet de signer pour une participation à une compilation sur le label.

 Grace à "Nice and warm" il signe un contrat. "Si tu joues le Blues, tu auras toujours un boulot"...artiste majeur de la scène Blues Louisianaise, il semble avoir prit au pied de la lettre le conseil de Tabby Thomas. C'est un artiste, qui assume sa différence et son originalité malgrès les influences d'Albert Collins, Freddie King ou à d'autres ascendants inévitables qui transpirent dans son style, il n'aspire définitivement qu'à n'est être que lui-même!

 C'est un artiste majeur de la scène Blues Louisianaise, qui a déjà participé à de multiples festivals et enregistrements aux côtés de géants du Blues.

 Tab guide nos pas vers ces lieux magique du blues de Bâton Rouge et ceux qui ont écrit la petite histoire. Suffit de monter de Bâton Rouge par la Highway, regarder à droite et à gauche dans la nuit, pas seulement à cause des alligators qui n'attendent qu'une embardée de la caisse. Ici, l'assurance automobile est plus chère que dans les États voisins. Les types roulent vite et ne suivent pas le droit chemin.

 Passé Zachary, ne pas rater l'Old Scenic Road. Puis la départementale, et enfin, au quatrième crocodile à gauche, virer sur les chemins de terre, vous n'avez plus qu'à vous débrouiller. Au bout d'un chemin qu'aucun film à la noix n'oserait inventer, surgit le Teddy's Juke Joint en majesté : sublime, inespéré, illuminé comme mille sapins en Noëls riches, la cuisine en vitrine, une coquette baraque en bois, un lieu du monde, on sent de suite l'humanité, la joie d'exister, le blues, Faulkner, Robert Johnson, les pauvres gens chics.

 Feutre blanc, gilet itou, un poil d'embonpoint depuis qu'il a ouvert l'affaire en 1976, chaînes en sautoir, chemise à jabot, moustache de séducteur, bagouses à chaque doigt, élégance morale que les princes n'ont jamais eue, excellent au poker, Teddy est le roi des lieux. Et du coup, vous reçoit comme des rois.

 Le blues ? Ah oui : ici, c'est le blues, le vrai, le sérieux, le rieur, toute la nuit, Cathy, la Janis Joplin du delta, Phil Guy, le frère de Buddy, qui débarque avec sa smala, le blues dont on vous serine qu'il a disparu.

 Et puis il y a Silas Hogan qui est né en 1911, venu vivre avec ses parents à deux ans pas très loin d'ici à Irene, au début des années 20 Il apprend les bases de la guitare avec ses deux oncles, Robert and Frank Murphy, qui plus tard ont influencé le modèle spécifique de Robert Pete Williams. Dans les années 30 Hogan joue régulièrement avec le guitariste Willie B. Thomas et le violoniste Butch Cage, dans des soirées locales, dans les clubs ou les picnics des alentours.

 A partir du début des 50's il travaille avec son groupe dans les cafés de Baton Rouge et durant les années 1962-1966 il enregistre pour le label "Excello" jouant guitare et harmonica. Puis jusqu'au début des 70's il joue en trio avec Guitar Kelly et Gene Douzier et enregistre pour Arhoolie et Excello.

 Influence majeure de Larry Garner, il a travaillé pendant 28 ans à la raffinerie ESSO (devenue EXXON) de Baton Rouge. A l'age de 68 ans "The Godfather" était toujours actif jouant et chantant le blues autour de Baton Rouge. Il décède en janvier 1994 à Scottlandville, Louisiane.

 Compagnon de route de Hogan, Arthur Kelly est né en Novembre 1924 à Clinton, Louisiane. A l'age de 14 ans, il est déjà guitariste quand il part vivre à Baker, la banlieue de Baton Rouge. Là il joue dans les fêtes locales de 1947 à 1950 et avec Lightnin' Slim pendant les 50's et les 60's.

 Il est décrit comme réellement représentatif du blues traditionnel de Louisiane.



 Mais nous n'en avons pas fini avec Bâton Rouge ! Alors rendez vous pour la seconde partie de la visite


 

 

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